Le contrepoint d'Isaac : chronique d'une impossibilité amoureuse (acte IV-3)

date_range 30 Juillet 2020 folder Isaac et mademoiselle B.

Acte 4, scène 3 : l’offrande de Noël, gastroentérite 4 étoiles et conflit de loyauté

Il va sans dire que mon palpitant s’est emballé à la lecture du mail incendiaire de mademoiselle B. Je venais de recevoir une claque juste avant de partir pour rejoindre Victoria et ma mère pour fêter Noël. J’ai juste eu le temps de lui bafouiller quelques lignes dans un mail rédigé à la va-vite :

« Je te réponds très rapidement avant de partir du boulot car ton message m'a assez ébranlé comme tu peux te l'imaginer. J'avoue ne plus savoir où me foutre et mon réveillon risque d'être assez problématique. Cela dit, c'est mon problème.

Cela étant, je te présente mes excuses, j'ai tenté de reformuler les angoisses qui traversent mon esprit et tenté de prendre de la hauteur pour tenter de percer les raisons de tes angoisses qui obscurcissent notre relation. Je suis de nouveau tombé à côté. Je pense néanmoins que tu n'as pas réellement perçu, ou pas voulu voir la dimension réellement ouverte des questions que je posais : en tout cas à aucune des questions que j'ai ouvertes je n'aurais été, en ce qui me concerne, capable d'apporter une réponse.

[…]

Tout ça pour dire que ta colère face à mon intellectualisation t'empêche de voir que moi aussi je me pose des milliards de question et que contrairement à ce que tu penses, je ne suis pas sûr de ne pas être suffisamment tombé amoureux pour (avoir) envisagé(r) le saut dans l'inconnu avec toi. Cela me fait peur, très peur, je suis moi-même terrifié. Et ce type de questions ne se prend pas à la légère, crois-le et ne se fait pas sans avoir la certitude de tomber juste avec la bonne personne. Visiblement les choses ont l'air d'être beaucoup plus claires pour toi et ont le mérite de m'éclairer moi-même.

Tu dis être capable de cerner ton amour en moins de 4 mois ; en ce qui me concerne, il m'a toujours fallu plus d'un an pour être bien sûr de commencer à comprendre mes sentiments amoureux. En ce sens, j'ai toujours pensé que le temps était nécessaire d'où ma référence au temps et au fait de ne pas brûler les étapes entre nous. C'est vrai, avec toi, les choses sont allées très vite. Mais, nous connaissons-nous finalement ? Je n'avais jamais connu par exemple cette facette de ta personnalité aussi désabusée et capable de faire mal. [...] Mais cela fait partie du package de la femme que je suis censé aimer. Et mon intellectualisation insupportable fait partie du mien. A toi de voir si tu peux aimer ça.

[…]

Enfin, je crois qu'on n'a pas la même définition du désir mais cela n'est pas très grave.

[…]

J'attends de tes nouvelles.

Je t'embrasse aussi, malgré ... malgré rien »

Je tentais maladroitement de faire machine arrière, d’exposer mes doutes d’avoir brandi mes certitudes omniscientes. Mais le mal était fait.

Mon réveillon fut évidemment plombé. Je tentais malgré tout de faire bonne figure. Victoria était là auprès de moi. Belle et attentionnée. La soirée fut très agréable en présence de ma mère, mes cousines adorées et de leur conjoint respectif avec qui je m’entends bien.

Les Noëls biennaux chez ma tante (car on alterne les réveillons entre ma famille et celle de Victoria à l’autre bout de la France) se terminent systématiquement par une séance de cadeaux extrêmement longue. Mes cousines mettent en effet un point d’honneur à ce que le rituel des offrandes prenne une dimension cérémonielle un peu puérile. A un moment, Victoria me demande de m’éclipser avec elle dans la pièce d’à côté afin de m’offrir le cadeau particulier qu’elle m’avait promis.

J’ouvris une enveloppe et y découvris un recueil de poèmes qu’elle avait composés, illustrés et reliés à la main. Un recueil intitulé "Poèmes du lendemain". 

Je fus totalement bouleversé par la puissance symbolique de ce présent. Victoria s’était mise à écrire des poèmes à la mort de sa sœur, terrassée par le cancer à 35 ans. Un drame familial dont elle ne s’est jamais totalement remise et dont j’avais été le témoin direct. Sombre période où Victoria avait porté à bout de bras la gestion de la situation pendant près d’un an, palliant les insuffisances d’une famille éclatée et, pour bonne part, incapable à faire face à un tel drame. La mère de Victoria en particulier tomba dans une quasi-folie, shootée au Lexomil et à l’alcool. Victoria quant à elle avait coordonné la prise en charge hospitalière de sa sœur et nous l’avions même accueillie chez nous. Il faut dire qu’elle vivait en Guadeloupe et que la prise en charge sanitaire y est assez défaillante.

La sœur de Victoria, décidera finalement, au grand dam de sa famille, de retourner en Guadeloupe après ses séances de radiothérapie pour vivre ses derniers instants au soleil, là où elle avait décidé, plusieurs années auparavant de faire sa vie, loin de la grisaille métropolitaine. Elle refusera que sa mère l’accompagne dans ses derniers moments mais exigera la présence de son père. Le père tant aimé, à la fois si proche et si éloigné, celui qui avait quitté le foyer, sa femme et ses enfants près de 20 ans plus tôt, demeurait en cet instant la seule personne apte à assurer à la sœur de Victoria le réconfort, l’amour désintéressé et l’abnégation parentale qu’était en droit d’exiger un enfant mourant.

Lorsqu’elle décédera en 2013, toute la famille fera le voyage pour les funérailles en Guadeloupe. Epopée mortuaire tropicale assez surréaliste, emplie de tristesse mais nullement morbide. Je fus de ce voyage, le seul conjoint de la fratrie à être présent.

Cette période sombre fut la première grande épreuve de notre couple. Observateur direct de la scène de déchirement familial, je n’ai pas pu m’empêcher, durant toute cette période, de faire part à Victoria de mon regard acerbe sur la situation, ce qui créera de nombreuses disputes épouvantables entre nous. Notre couple vacilla dangereusement. On peut me reprocher a posteriori mon manque d’empathie, de tact et de prise de distance. Sûrement à raison. J’ai surtout appris avec le temps qu’il y avait un temps social pour tout : celui du recueillement et de la décence dans un premier temps, puis éventuellement, celui des bilans et des critiques. Je reconnais aujourd’hui n’avoir pas su gérer mes propres frustrations. Toutefois, j’étais moi-même assailli par une grande fragilité personnelle : je venais d’être recruté à Paris et y vivais une période personnelle et professionnelle qui s’apparentait à une véritable traversée du désert. Mais nous surmontâmes, Victoria et moi, cette épreuve et notre couple s’en était sorti largement renforcé, en dépit des cicatrices que cette période avait laissées.

Voilà ce que racontaient ces vers. Pas sur le fond ni dans le contenu, mais dans l'intention qui en était le moteur créatif. Je connaissais donc la charge émotionnelle qu’ils contenaient et dont j’étais le seul à connaitre l’existence et à pouvoir en saisir le sens profond. Ses poèmes du lendemain. L'espoir de lendemains qui chantent, exactement ce qui nous avait tenus côte-à-côte pendant toutes ces années, Victoria et moi. Cette révolte partagée face aux injustices  du monde et notre foi dans  la possibilité d'un monde meilleur et lumineux.

Je parcourais devant elle le petit recueil fait mains et découvrais ses poèmes accouchés sur les pages. Aucune recherche stylistique, sa poésie s’envisageait surtout comme une catharsis en réponse à la mélancolie, une expression brute et immédiate. Je fus profondément ému à la lecture de ces quelques vers illustrés par des dessins à l’encre de Chine. Je voyais au sourire de Victoria qu’elle était elle aussi particulièrement émue d’être parvenue à me faire ce don en provenance de son âme.

Je crois que ce cadeau a tout fait basculer. Il s’agissait d’un acte de courage et de confiance inestimable. Il n’y a pas d’amour, seulement des preuves d’amour. Celle que venait de m’adresser Victoria était en or massif.

Bien plus qu’un recueil intime, Victoria me disait la chose suivante :

« Toi seul connais mes failles et mes zones de fragilité mais je te fais confiance car tu es le seul à qui je peux me confier sans avoir peur d’être jugée »

Victoria venait de remettre les compteurs à zéro et venait de me donner une leçon de vie et d’amour.

Les festivités familiales de Noël touchaient à leur fin et nous sommes repartis le 25 après-midi, Victoria et moi, chacun de notre côté, elle au Nord et moi au Sud, car nous travaillions l'un et l'autre le lendemain. Nous devions toutefois nos retrouver bien vite pour fêter le Nouvel An chez nos meilleurs amis à Strasbourg. Victoria m’avait par ailleurs offert un très beau cadeau synonyme d’intimité retrouvée : elle prolongeait notre séjour dans cette ville par un séjour dans un prestigieux hôtel 4 étoiles et spa situé dans la Petite France, le superbe quartier touristique de la ville. Histoire de nous faire masser et de nous prélasser en totale complicité.

Il me fallait néanmoins gérer préalablement la situation avec mademoiselle B. Nous nous étions donnés rendez-vous le 26 décembre pour fêter notre Noël ensemble. Notre dispute épistolaire avait obscurci le tableau. 

J'avais besoin d'en parler à ma mère chez qui je passais la soirée de lendemain de réveillon. Je lui crachai finalement le morceau sur l'existence de ma maîtresse. Etonnament elle ne fut guère surprise et s'en doutait même. Elle m'écouta avec bienveillance sans émette de jugement moral. Elle m'interrogea simplement sur le sens que je voulais donner à ma vie amoureuse, au sens d'une relation de couple sans passion amoureuse.  Je fus surpris de découvrir cette facette assez sentimentale chez ma mère. Visiblement la période d'introspection que m'avait imposé Victoria l'avait durement inquiétée. Elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'il s'agissait de l'amorce d'une rupture. Elle aimait infiniment Victoria mais visiblement elle peinait à la comprendre : son indépendance affective chevillée au corps, son refus d'engagement dans un projet de couple, son mode de vie très ritualisé... Cela dit, elle estimait que Victoria jouait un grand rôle dans mon équilibre personnel, qu'elle était sécurisante et maternante et que j'avais besoin de cela. 

Après cet échange, je repris la plume par SMS, tandis que mademoiselle B. faisait de même par mail. Nous revînmes sur nos messages précédents et tentâmes de minimiser la portée de cette dispute. Finalement nous mettions cela sur le compte d’une incompréhension mutuelle et d’une nécessité de mieux contextualiser nos prises de position avant de revenir à un ton plus léger. Notre rendez-vous de Noël était confirmé le lendemain.

Je me pointais donc le 26 décembre chez mademoiselle B. avec un Mont-d’or à mettre au four et des bouteilles de vin du Jura. Mademoiselle B. avait mi son costume de mère Noël et m’accueillit avec des paillettes balancées dans les cheveux.

Nos retrouvailles furent agréables mais je demeurais tiraillé par une espèce de mélancolie. Notre dispute avait laissé des traces mais, plus encore, l’offrande de Victoria venait de modifier fondamentalement la perspective. Quelque chose de nouveau s'est installé dans mon esprit. Mais je ne savais quoi.

Le moment des cadeaux renforça mon malaise. Il faut dire qu’il avait mal commencé, plusieurs semaines auparavant. Pendant des semaines, je me suis fait des nœuds au cerveau afin de prouver à mademoiselle B. que je la mettais sur un pied d’égalité avec Victoria. Je devais lui offrir des cadeaux d’une valeur équivalente tant matériellement que symboliquement. Rétrospectivement, je considère ce principe moral qui m’amenait à traiter en équité les deux femmes qui partageaient ma vie était totalement débile. Je souhaitais avant tout racheter par des cadeaux la position d’infériorité dans laquelle je plaçais de facto mademoiselle B.

Et tout cela est finalement parti en nœud de boudin. Je souhaitais offrir une place à l’opéra à mademoiselle B. Mais j’appris dans l’intervalle que Victoria m’avait fait le même cadeau, le même jour. Je dus faire machine arrière car Victoria était de toute façon prioritaire et il n’était pas question que les deux femmes se croisent. Finalement j’optais pour un séjour spa dans un bel hôtel de la Région. Pari risqué car un tel cadeau nécessitait qu’on se coordonne pour poser des congés et cela nous amenait à anticiper la suite de note relation au moins jusqu’aux beaux jours… Enfin je voulus faire un cadeau de portée hautement symbolique à mademoiselle B. : lui laisser le soin de choisir le titre d’une de mes compositions. Victoria avait eu son morceau de mon répertoire, écrit pour elle et magnifié au demeurant par ses illustrations ; je voulais faire de même avec mademoiselle B., lui prouver que je ne faisais pas de différence entre les deux femmes de ma vie. Vanité.

Elle fut touchée par mon cadeau tout autant que déstabilisée. Cela dit, le titre était déjà écrit et portait déjà un titre. Je proposais donc plutôt à mademoiselle B. de rebaptiser une composition existante. On repassera pour l’équité.

Enfin, je lui offris une belle bande dessinée. Cadeau dérisoire à côté des précédents mais finalement ce sera le seul dont elle jouira pleinement ; le confinement sanitaire décrété en mars aura en effet raison de tous ces présents…

Pour sa part mademoiselle B. m’offrit une place pour un concert classique dans un beau lieu de notre ville. Ce cadeau sera également terrassé par le coronavirus.

La soirée fut agréable mais je commençais à ne pas me sentir bien. Un peu barbouillé pendant le repas. Bien sûr nous avons fait l’amour. Le fantasme de trousser la mère Noël.

Lorsque le réveil a sonné le lendemain, je fus littéralement cloué au lit. Un mauvais rhume ? J’ai téléphoné au boulot pour dire que j’arriverais en retard. Toute la journée je me suis traîné et j’ai juste trouvé la force en fin d’après-midi de prendre le volant pour faire la route et retrouver Victoria.

Débutait de la sorte notre semaine de congés d’hiver qui devait débuter par un Nouvel an chez nos amis à Strasbourg, puis se poursuivre dans un hôtel de luxe… L’occasion rêvée d’enterrer définitivement la hache de guerre avec Victoria et de nous retrouver comme au bon vieux temps. Et de nous ressourcer car la période est également la plus chargée de l’année niveau boulot.

Je me remettais difficilement de mon état grippal et nous avons pris la route pour faire la fête chez nos amis en banlieue de Strasbourg. Généralement, les festivités de Nouvel an chez nos amis se soldent par beaucoup de champagne consommé, quelques joints et un dancefloor usé jusqu’au bout de la nuit. Nous n’avons pas coupé à la tradition mais j’étais physiquement diminué. A un moment de la soirée, je commençais à comater et puis mon état de forme est réapparu subitement. J’ai eu également le temps de discuter avec mes amis, un peu à l’écart pour évoquer avec eux la période difficile que nous avions traversée avec Victoria. Finalement je me montrais rassurant ce qui les ravit car ils ne pouvaient imaginer que notre couple en béton armé puisse prendre la flotte.

Au moment des embrassades, je prenais mon téléphone pour adresser un petit mot de bonne année très expéditif à mademoiselle B. Histoire de lui dire que je pensais à elle. Je ne pouvais guère passer des plombes à lui rédiger un sms fleuve comme elle l’aurait sans doute souhaité. Je lui offrais le service minimum, c’est clair. D’autant qu’elle passait le nouvel an seule. Je ne me doutais pas qu’elle était en réalité en pleine déprime.

Nous avons quitté nos amis en fin d’après-midi le 1er janvier. Direction l’hôtel de rêve de la Petite France à Strasbourg. Le programme devait être exclusivement dédié au plaisir. Nous balader dans les rues de Strasbourg, aller au ciné-club, manger dans de bons restaus, faire du shopping et nous faire masser en couple.

Le problème est que mon arrivée dans l’hôtel a coïncidé avec le démarrage d’une gastroentérite fulgurante. La saloperie que je couvais depuis mon entrevue avec mademoiselle B. avait décidé de se révéler de la manière la plus humiliante à ce moment précis. Triste coup du sort. Concrètement la coulante pendant 3 jours. L’hôtel m’a appelé un médecin qui a consulté dans ma chambre d’hôtel, m’a prescrit des médocs afin de colmater le catarrhe de mon fondement. J’ai dû repousser mon massage, et nous n’avons pas pu profiter des bons restaurants qu’on avait prévu de faire. Bref notre séjour de rêve, synonyme de retrouvaille avec Victoria a été largement gâché. Vériable punition divine.

Cela dit, nous avons passé un agréable moment, même si la diarrhée n’est pas le meilleur allié du romantisme. Victoria était déçue mais nous avons tout fait pour passer malgré tout un beau moment.

Alors que je me débattais avec ma gastro et que je tentais de faire bonne figure, je reçus un texto le 2 janvier qui me plongea dans un profond désarroi :

« Peux-tu me donner des nouvelles ? Me faire un petit message ? »

Non, je ne pouvais pas. J’étais à l’hôtel avec Victoria, amoindri par une gastro et désireux de profiter de ce moment, au demeurant gâché par ma maladie, avec elle et elle seule. Bien sûr je pensais à mademoiselle B. et nous devions nous retrouver en fin de semaine mais le moment présent ne lui était pas consacré et je ne souhaitais plus mélanger les situations. Je ne pouvais pas et je n’en avais pas envie.

Je lui répondis assez laconiquement que je ne pouvais pas lui répondre mais qu’on se retrouverait en fin de semaine. Elle me répondit avec tact qu’elle en prenait acte mais que la semaine lui paraissait infinie et que mon silence lui pesait.

Cette incursion de mademoiselle B. dans mon couple me dérangea pour la première fois grandement. Je commençais à comprendre que j’allais être pris en tenaille entre deux femmes et que mon absence faisait naître de terribles angoisses chez mademoiselle B. Elle exigeait que je pense à elle y compris dans des moments qui ne lui étaient pas dédiés. Cela me semblait obscène même si je comprenais sa réaction et ressentais de la sympathie pour ses témoignages d’amour

De retour de mon périple strasbourgeois, je pris le temps de lui envoyer un long SMS comme elle les aimait. Je lui proposais de la retrouver très vite et tentais de lui expliquer les raisons de mon silence. Je me montrais agréable et attentionné et lui indiquais tout mon plaisir de la retrouver très vite. Je nous souhaitais une belle et heureuse année de plaisirs partagés. Mais au fond de moi, le cœur n’y était déjà plus. Ou du moins plus comme avant.

Pour ma part, je pris subitement conscience que je naviguais en eaux troubles : je commençais à être pris dans un terrible conflit de loyauté entre deux femmes pour lesquelles j’éprouvais de véritables sentiments mais qui n’occupaient pas la même place dans ma vie. Victoria venait de surcroît de définitivement renverser la situation. Son cadeau hautement symbolique, ses attentions et son souhait de repartir sur des bases saines dans un projet de vie à deux m’avaient convaincu qu’elle était la seule femme avec laquelle je souhaitais faire ma vie.

Mademoiselle B. avait pour sa part le monopole de mes sens et m'avait offert des démonstrations d'amour à faire pleurer un pierre. Monnaie d’échange non négligeable mais assez dérisoire au regard de l’édifice patiemment construit avec Victoria. Et il y avait ses angoisses et sa fragilité à fleur de peau qui me terrifiaient. Et plus encore, les exigences de son amour. Et face à cela, je me sentais profondément démuni.

Je prenais dès lors conscience de mes coupables inconséquences. Je m’étais beaucoup trop engagé dans ma relation avec mademoiselle B. ; je lui avais ouvert mon cœur et mon intimité sans mettre les distances salutaires qui s’imposaient. Certes ma crise de couple avec Victoria avait eu un effet catalyseur. Mademoiselle B. m’avait narcissisé sexuellement. Pour la première fois de ma vie je devenais un amant exemplaire et je m’étais laissé grisé par cette ivresse sensorielle.

Mais mon affection pour mademoiselle B. et le plaisir charnel que nous vivions s’étaient dès lors transformé en promesse d’engagement dans son esprit. Ou a minima en un motif d’espoir que le vent tournerait en sa faveur. Elle commmençait à s'accorcher à cette hypothèse bin qu'elle ne cessât d'envisager une issue malheureuse à notre histoire. 

Mademoiselle B. m’avait offert cet amour démonstratif que Victoria ne parvenait pas à extérioriser. Mais ma crise conjugale s’éloignant, je me retrouvais prisonnier de mes propres engagements inconsidérés à son égard. Je me sentais dès lors redevable et rongé par la culpabilité.

Il me fallait trouver une porte de sortie honorable. Amener mademoiselle B. à repenser le cadre de notre relation ou trouver une porte de sortie acceptable et si possible pas trop douloureuse.

Mais pour commencer, je devais remettre Victoria dans le jeu. Faire prendre conscience à mademoiselle B. qu’elle était là, quoiqu’elle en pensât.

Le problème est que l’on ne se libère pas de l’amour de mademoiselle B. sans y laisser des plumes. Isaac allait en faire terrible expérience. Or savait-il seulement s'il souhaitait continuer son épopée amoureuse avec mademoiselle B. ou y mettre fin ? Il devait simplement se résoudre à l'idée que toute choix est nécessairement synonyme de renoncement.

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