La Franc-maçonnerie

date_range 24 Avril 2020 folder Fragments de la vie d'Isaac

Souvenirs d’initiation

S’il est des sujets qui sentent le soufre et charrient quantité de fantasmes et de propos haineux, c’est bien la franc-maçonnerie. Perçue par une quantité de gens comme une société secrète composée de puissants qui se coopteraient en vase clos afin de préserver leurs intérêts, la franc-maçonnerie poursuivrait selon toute logique un agenda occulte de prise de pouvoir économique et politique à tous les niveaux de la société. La franc-maçonnerie serait donc partout : au niveau local où elle constituerait un lieu de petits arrangements pour notables de province jusqu’aux plus hautes sphères de domination  économique et politique du monde comme l’atteste la présence d’un symbole maçonnique sur le billet de dollar. Sans parler bien sûr des Illuminati qui constituerait la société maçonnique suprême, décidant des destinées du monde selon la théorie conspirationniste la plus échevelée. Peu importe que les Illuminati fussent une société de pensée bavaroise dissoute dès la fin du XVIIIème siècle, il semblerait qu’une part non négligeable de la population soit actuellement persuadée que les Illuminati existent bel et bien et aient infiltré tous les gouvernements américains. Les Illuminati seraient entre autres à l’origine des attentats du World Trade Center, mais aussi un repaire de sionistes désireux d’étendre la domination d’Israël à travers le monde, voire selon certains un repaire judéo-bolchévique anti-américain … Cela commence à faire beaucoup de complots pour une seule société ! Rappelons que la mise en cause des Illuminati a été portée en France par l’extrême droite catholique intégriste en pleine contre-Révolution. Aujourd’hui, la thèse complotiste des Illuminati prospère essentiellement dans les milieux d’extrême-droite antisémite mais aussi et malheureusement chez nombre de jeunes aux idées alternatives.

Je ne compte nullement parler des Illuminati et de leurs complots supposés. Libre au lecteur de croire à ces sornettes et d’estimer que les Francs-maçons dominent le monde en infiltrant toutes les sphères de pouvoir. Et même de me considérer comme un pourri parmi les pourris en qualité de membre de cette grande fraternité secrète.

L’objet de cet article de blog est de parler de mon engagement maçonnique et d’offrir au lecteur ouvert d’esprit une vision sincère de ce qu’est concrètement la Franc-maçonnerie et de ce qu’elle m’apporte depuis que j’y ai été initié. Bien sûr, mon évocation est avant tout destinée au néophyte qui aurait la curiosité de découvrir quelques aspects de la Franc-maçonnerie au travers de cette petite immersion littéraire.

Je n’entends pas faire de ce texte un article de révélations sur les secrets inavouables de l’ordre maçonnique ni un éloge panégyrique de la Franc-maçonnerie à des fins de prosélytisme. Pour moi, entrer dans la Franc-maçonnerie relève d’une démarche intime et sincère qui n’a de sens que si elle se double d’un travail d’introspection, de remise en question personnelle et d’élévation spirituelle. Et cela suppose une véritable droiture morale.

La Franc-maçonnerie comporte aussi ses zones d’ombres et son lot de déceptions potentielles. Certains y trouvent leur compte, d’autres non et la quittent. Chacun est libre de vouloir ou non être admis Franc-maçon, de le rester, ou à l’inverse de  s’en défaire, contrairement à une vieille idée selon laquelle on serait attaché à la Franc-maçonnerie jusqu’à la mort comme dans une secte.  La Franc-maçonnerie n’est pas un club service à l’instar du  Rotary ou du Lion’s club, lieux d’échange de capital symbolique pour nouveaux riches désireux de cultiver leur réseau et de s’acheter une conscience morale par le biais d’œuvres caritatives. Désolé si je choque certains lecteurs qui seraient membres d’un de ces clubs ; sûrement y trouvent-ils également un supplément d’âme et libre à eux de rétablir leur vérité à ce sujet. En tout cas, je n’y vois guère de point commun avec l’engagement philosophique et humaniste qui m’anime en tant que franc-maçon.

En toute honnêteté, il est vrai que certains Francs-maçons frappent à la porte du temple pour de très mauvaises raisons, et confondent la fraternité maçonnique avec l’affairisme, l’échange de services voire la collusion. Selon moi, ces individus n’ont rien faire en maçonnerie. Cela existe et nuit malheureusement à tous les Francs-maçons qui vivent en toute sincérité leur démarche. Cependant, la Franc-maçonnerie est à l’image de toute société humaine, de toute association d’individus. Et comme tout rassemblement humain institutionnalisé, elle peut être un lieu où s’exercent des enjeux de pouvoir ou pire, devenir un théâtre de manquements éthiques et des bassesses humaines. Tout ce que je déteste d’autant que ce sont ces errements moraux qui donnent de l’eau au moulin de tous les complotistes.

Plus prosaïquement, la Franc-maçonnerie rassemble fréquemment des individus ayant une situation sociale confortable, un haut niveau d’études et des responsabilités professionnelles qui leur confèrent un certain pouvoir. Certaines obédiences, autrement dit certaines branches de la Franc-maçonnerie, sont un repaire de professions libérales, de patrons du BTP et de hauts-fonctionnaires. L’esprit de corps (et de classe) qui y règne peut expliquer, d’un point de vue plus sociologique, certains travers. Cela n’a, pour moi, que très peu de chose à voir avec la démarche maçonnique véritable.

Si je devais donner un seul conseil à quelqu’un qui souhaiterait devenir Franc-maçon : regardez bien où vous mettez les pieds ! Il existe en effet une multitude d’obédiences et de loges qui proposent des façons très différentes de pratiquer la Franc-maçonnerie et de la vivre. Et je ne vous cache pas que je n’ai pas beaucoup de sympathie pour certaines d’entre elles…

Au sein de certaines obédiences, dites traditionnelles, la croyance en une entité divine est obligatoire (Dieu se nomme "Grand Architecte de l’Univers", "GADLU", en Franc-maçonnerie) et leurs membres ne travaillent que sur des sujets symboliques, et spirituels, proscrivant toute réflexion et tout débat de nature politique et sociale. Le dress-code y est très strict et les femmes ne sont pas admises même en visite.  Je ne vous cache pas que ces obédiences sont des repaires de notables assez marqués à droite. J’avoue n’avoir nullement envie d’y perdre mon temps.

D’autres obédiences sont à l’inverse « libérales » et n’exigent généralement aucune croyance en Dieu (ou au GADLU). On y travaille sur le symbolisme mais également sur des sujets politiques et sociaux. Généralement situées à gauche sur l’échiquier politique (même si cela ne veut plus dire grand-chose), elles  diffèrent entre elles, essentiellement en fonction de leur caractère masculin, féminin ou mixte. Ces obédiences travaillent généralement selon les mêmes rites et la pratique de la Franc-maçonnerie y est assez semblable, avec quelques nuances néanmoins. La Grande Loge féminine de France, par exemple, est une obédience exclusivement féminine caractérisée par une approche assez austère du rituel et travaille particulèrement sur les enjeux relatifs à la place des femmes dans la société.

Entre ces deux pôles, se situe une kyrielle d’autres obédiences aux effectifs souvent confidentiels, travaillant dans des rites parfois exotiques, et pour certaines d'entre elles, très ésotérique.

Pour ce qui me concerne, je ne suis pas entré en Franc-maçonnerie par  hasard et je souhaitais clairement entrer au Grand Orient de France (GODF), qui est une obédience adogmatique (aucune croyance en Dieu n’est exigée, sachant que le GODF s’est longtemps opposé à l’Eglise catholique), « libérale » et de tradition républicaine de gauche. Lorsque j’ai entrepris les démarches pour être initié, j’envisageais mon entrée dans la Franc-maçonnerie avant tout comme la continuité de mon engagement citoyen. Militant dans une association laïque depuis des années,  je fréquentais quantité de francs-macs du GODF auxquels je me suis lié par les idées et, avec certains, affectivement. Et naturellement, certains m’ont incité à franchir le pas. Pour être tout à fait honnête, un de mes camarades, vieux papy maçon qui sucre légèrement les fraises, m’a un peu forcé la main en prenant contact directement avec le vénérable d’une des loges de ma ville, à mon insu, et m'a poussé aux fesses pour que je fasse les démarches.  En toute transparence, je n’étais pas convaincu par l’intérêt de la chose mais j’avoue avoir été intrigué par l’enthousiasme des premiers jours qui animait la plupart de mes camarades maçons, certains après plus de 40 ans de pratique assidue de réunions vespérales en gants blanc et en tablier ! J’avais eu aussi la chance, plusieurs années plus tôt, lorsque je travaillais dans une autre ville, de faire faire la rencontre d’un couple avec lequel j’ai noué des relations de réelle amitié. Profs militants, "gilets jaunes", d’esprit punk et fêtards, ils m’avaient vanté la fraternité maçonnique et tout ce que la Franc-maçonnerie leur apportait en termes d’équilibre personnel…  Il devait bien y avoir une raison et peut-être pas uniquement par plaisir de se déguiser...

J’ai finalement franchi le pas en me disant que l’expérience méritait sûrement d’être vécue et qu’elle pouvait m’apporter beaucoup sur le plan personnel. Ou pas. Auquel cas, il me suffirait de mettre fin à l’expérience.

Clairement situé à gauche sur le plan personnel (plus à gauche que le parti socialiste en tout cas), Républicain convaincu et militant laïque, le GODF correspondait évidemment à ce que je pouvais espérer trouver en Franc-maçonnerie : une réflexion philosophique sur le monde qui nous entoure et une approche républicaine et humaniste des enjeux politiques sociaux contemporains. Pour moi le GODF renvoyait à certaines heures les plus lumineuses de notre histoire politique : la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, la loi Neuwirth sur la contraception et la loi Veil sur l’avortement notamment…  sans oublier le programme du Conseil National de la Résistance qui constitue depuis toujours ma boussole personnelle. En effet, c’est grâce à l’activité politique de Francs-maçons  et en particulier à la fraternité politique de parlementaires de droite et de gauche appartenant essentiellement au Grand Orient de France que ces grandes lois républicaines ont pu aboutir. Simplement car elles participaient d’un engagement humaniste commun qui dépassait la loyauté à leur parti politique d’appartenance. Pour moi, c’était ça la Franc-maçonnerie. Des principes humanistes plus forts que la loyauté aveugle à un chef ou un parti. Très loin, très très loin du spectacle désolant que nous inflige la horde de députés playmobils qui font de l’Assemblée nationale une chambre d’enregistrement  pathétique  en ces temps de Macronie vacillante… Et pourtant, nombre d’entre eux sont Francs-maçons, dont beaucoup au GODF…

Entrer dans la Franc-maçonnerie…

Parmi les clichés les plus éculés  sur la Franc-maçonnerie, il faudrait impérativement être introduit par un frère maçon pour pouvoir être initié. S’il est vrai qu’un parrainage, autrement dit une recommandation d’un Franc-maçon facilite l’acceptation de votre candidature par la loge, ce n’est absolument pas un impératif. Beaucoup de frères initiés dans ma loge ont fait acte de candidature spontanée. Avec un papier et un stylo (ou un traitement de texte). Ce fut le cas par exemple de mon « jumeau », c’est-à-dire de mon frère qui a été initié en même temps que moi.

Dans la lettre de candidature, le candidat maçon expose simplement mais sincèrement ses motivations à entrer dans le Franc-maçonnerie. Si la loge retient la candidature, ce qui est le cas la plupart du temps, la démarche d’admission peut démarrer. Parfois, la loge décide, par vote contre, de ne pas retenir une candidature. Les motifs de refus sont généralement liés à la personne ou au caractère déplacé des motivations du profane. Autrement dit, être connu comme militant du rassemblement national n’est pas très facilitant pour devenir maçon, du moins au GODF (disons que c'est franchement une condition dirimante).

J’ai donc rédigé ma lettre de candidature et l’ai envoyée à ma future loge. Quelques semaines plus tard, je reçois un coup de fil. Le « vénérable » de la loge. Il souhaite me rencontrer. Ayant été brieffé sur les modalités d’admission, je n’ai guère été surpris. Quelques minutes d’échange téléphonique dans le métro et le rendez-vous est pris à mon domicile la semaine suivante. J’avais acheté une bouteille de vin, connaissant le goût des Francs-macs pour la picole et deux-trois truc à grignoter. Le vénérable se pointe chez moi, dans ma garçonnière au confort spartiate et il fait preuve de grande affabilité. Visiblement, il est touché par le petit coup de rouge et le saucisson sur la table que je lui présente. Le rendez-vous se passe admirablement et je sens assez vite qu’on est sur la même longueur d’ondes. Nous discutons de quantité de choses, je sens qu’il partage une vision assez proche de la mienne sur beaucoup de sujets et je l’invite même à assister à un ciné-débat dont je serai le conférencier la semaine suivante au ciné de notre ville. Il se montre très enthousiaste et viendra.

Très agréable entrée en matière. Un seul point me chiffonne néanmoins. La loge est masculine et non mixte. Les femmes sont admises en visite mais la loge n’initie pas de femmes. Il m’explique que l’initiation implique une mise à nu (au sens figuré, je précise) et que certains hommes seraient gênés de devoir s’exposer ainsi devant des femmes. Je reste interdit. Il me précise que le GODF était initialement une loge masculine, tout comme la GLFF est exclusivement féminine. Mais un jour, quelque part en France, un frère a décidé de devenir une sœur. Du coup, le GODF a demandé aux loges de voter sur leur caractère masculin ou mixte (mais n'a pas ouvert la porte à la création de loges féminines). La mienne a, semble-t-il, voté à plus de 90% pour la masculinité ! Je me dis que les réunions maçonniques risquent d’avoir un petit côté vestiaire de club de rugby. Je ne pensais pas si bien dire.

Vinrent ensuite les trois enquêtes. Trois coups de fil, trois rendez-vous chez moi ou dans un bar pour parler de moi, de ma vie, de mon œuvre, de ma spiritualité et de mes engagements politiques. Je rencontre le premier enquêteur, en réalité le deuxième, car le premier avait zappé le rendez-vous. Nous parlons spiritualité, transhumanisme, cause animale… La discussion file comme l’éclair, je réponds en toute sincérité, un échange passionnant pendant plus de 2 heures. Même pierre d’achoppement sur la mixité de la loge néanmoins. Et puis il m’interroge sur l’affiche qui est punaisée sur le mur. Un poster de mon groupe Klezmer. Il en tombe de sa chaise. Amoureux fou de musique juive (et membre de la communauté juive locale), il me demande où écouter ma musique. Je l’invite à assister à un concert que je donne la semaine suivante avec mon groupe à 50 km de là. Il se montre très enthousiaste et viendra.

Je rencontre le deuxième enquêteur dans un bar de notre ville. On doit parler de mes engagements politiques. Je lui lâche sans sourciller que je suis membre de la France Insoumise. Il note avec un grand sourire. S’ensuit une discussion approfondie sur la laïcité, mon engagement militant et républicain, de ma passion politique pour le projet du Conseil national de la résistance, de la politique de santé et de mon souhait de voir se constituer un pôle public du médicament (car il travaille pour l’industrie pharmaceutique). Un échange extrêmement passionnant de 2 heures accompagné de bières.  Nouvel échange à propos de la non-mixité de la loge. Il se montre un peu plus ouvert sur la question que mes précédents interlocuteurs mais il me précise que de toute façon la chose a été tranchée. Et puis nous nous découvrons une cinéphilie commune.  J’évoque les films qui ont changé ma vie : l’armée des ombres, Soleil vert, la filmographie de Michael Haneke, le cinéma soviétique (Kalatozov et Tarkovski)… Le courant passe : il est lui-même un dévoreur de cinéma et de littérature. Moment très agréable, fin et spirituel. Il me lâche pour finir qu’il mettra une boule blanche dans l’urne, autrement dit qu’il votera sans hésiter pour mon admission. Je découvrirai plus tard qu’il n’est vraiment pas proche de la France insoumise et qu’il n’est pas davantage favorable à la constitution d’un pôle public du médicament…

La troisième enquête qui devait en fait être la première se déroule chez moi. Un type en tongs et bermuda se pointe, il m’explique qu’il faut rester soi-même dans la Franc-maçonnerie et qu’il n’hésite pas à venir dans ceta accoutrement lors des tenues. Plus insignifiante sur le fond, moins chaleureuse dans les échanges, l’enquête se passe néanmoins très bien. Il me donne quelques indications à propos du passage sous le bandeau. On peut m’interroger sur tout et n’importe quoi et le plus important et la sincérité dans les réponses. Lui, on lui avait posé une question sur le Rugby à XIII le jour de son initiation…

Les enquêtes, ça, c’est fait. Les enquêteurs  vont désormais rédiger leur rapport sur ma personne et donner leur avis sur ma candidature (boule blanche ou boule noire ?). En réalité, je le sens très bien. J’y ai surtout fait la connaissance de maçons bienveillants et attentifs, passionnants dans les échanges et prêts à faire 50 bornes pour me voir jouer de la musique. Je me dis que c’est peut-être simplement cela la fraternité maçonnique dont on m’avait loué les vertus. Je commence à me dire que l’expérience peut s’avérer sympa, et que finalement on est peut-être plus spontané entre couillus. A moins que cette fraternité ne tienne finalement qu’à la grande homogénéité sociologique de ses membres qui se traduit par un rapport commun et intime à la culture, à l’art et à la spiritualité ? Il y a clairement de ça. Mais pas que…

Un mois plus tard je reçois un nouveau coup de fil du vénérable. Il me donne la date de mon « passage sous le bandeau ». Sorte d’examen oral les yeux bandés au milieu du temple et des frères de la loge. Je me pointe à l’heure dite au temple maçonnique protégé par une palissade austère. Je rencontre mon futur jumeau, autrement dit un autre profane qui passe sous le bandeau le même soir que moi. Un gars avec une gueule de manouche classe nous accueille en « salle humide », là où se tiennent les agapes. Il nous met en confiance, et nous donne des conseils. C’est le « grand expert », un officier de la loge.  Il nous demande de patienter et remonte dans le temple. Ça dure des plombes. Nous faisons timidement connaissance avec mon futur jumeau. Mon symétrique inverse : une armoire à glace de 120 kg, qui a été hockeyeur sur glace professionnel et pratiqué le MMA (!). Il est parti de Paris et est venu s’installer ici avec sa famille après un drame personnel : sa femme a été victime d’une grave agression et elle en a gardé d’importantes séquelles psychiques. Glauque…  Clairement pas un intello et il ne vient pas ici « pour se branler la nouille » mais pour trouver le sens de la fraternité. Intéressant et détonnant.

Puis le grand expert vient me chercher pour monter dans le temple. Il me bande les yeux, me fait monter les escaliers en m’agrippant pour que je ne me casse pas la gueule et frappe à la porte du temple. Par la porte, j’entends de la musique. De la musique Klezmer, ce ne peut pas être un hasard ! La musique s’arrête net. Une voix de stentor nous invite à entrer. On me fait m’asseoir sur une chaise. Le vénérable avec sa voix grave amplifiée par un micro m’explique que le bandeau sur mes yeux vise à protéger l’anonymat des frères de la loge dans l’hypothèse où ma candidature ne serait pas retenue. Et puis fusent les questions, devant, derrière, à gauche, à droite. Seule mon ouïe me permet de situer d’où provient la parole. J’avoue ne pas être trop impressionné. J’ai passé des grands oraux de concours avec des enjeux bien plus importants et un nombre incalculable d’examens et d’entretiens. Je prends l’exercice pour un jeu. Les questions sont plutôt sympathiques et sont clairement situées dans mon champ de maîtrise, en lien avec les éléments que j’ai pu mettre en avant pendant les enquêtes. Je ne suis pas mauvais dans les réponses, pas excellent non plus. L’épreuve n’est pas un exercice d’éloquence cela dit. Mais j’entends par des réactions très discrètes que je tombe souvent juste. On me demande si j’ai peur d’être déçu par les Francs-maçons et la Franc-maçonnerie. Je réponds que j’ai déjà eu l’occasion d’être déçu par nombre de Francs-maçons que j’ai fréquentés dans ma vie antérieure. Quant à la Franc-maçonnerie, il faudrait que j’en fasse partie pour me faire un avis sur la question.  Petits rires discrets entendus dans un coin de la salle.

Serais-je prêt à trahir un ami pour un frère ? Quelle idée ! Je considère mes amis comme mes frères, quel intérêt aurais-je de trahir un frère pour un autre frère ?

Et puis une voix que je reconnais m’interroge sur les règles du Rugby à XIII. Je rigole et réponds que je n’en sais strictement rien !

On me raccompagne vers la sortie du temple. Mon futur jumeau monte à son tour, les yeux bandés.

Le lendemain, le vénérable m’annonce que la loge s’est prononcée favorablement sur mon admission (ainsi que sur celle de mon jumeau) suite au vote par boules blanches et noires – la boule noire c’est comme dans Motus avec Thierry Beccaro, oh oh oh oh et tu passes ton tour ! D’où l’expression être blackboulé. Sauf qu’une boule noire vaut 4 boules blanches dans un vote d’admission maçonnique. Il faut donc une majorité des 4 cinquièmes pour être admis.

Je vais enfin pouvoir être initié. Le vénérable m’indique la date d’initiation qui aura lieu, en compagnie de mon jumeau, dans 15 jours. J’appelle le couple d’amis punks Francs-maçons et leur annonce que je serai initié prochainement. Ils sont ravis.

La cérémonie d’initiation

La cérémonie d’initiation, celle par laquelle on est admis comme Franc-maçon est un événement qui marque vraiment une vie. Ma cérémonie d’initiation fut un moment particulièrement intense et émouvant.

La veille, le vénérable m’appelle pour me brieffer. J’aurai à subir plusieurs épreuves, dont un exercice rédactionnel simple. Ensuite, un ultime passage sous le bandeau qui doit permettre en théorie à l’impétrant de pouvoir interrompre le processus. Y a-t-il un dress-code ? lui demandé-je. Il me répond que non contrairement à d’autres loges où le smoking sombre et le nœud pap’ est exigé. Il me dit que je dois vraiment savourer l’instant car il ne se reproduira plus jamais dans ma vie. Et puis il me lâche :

« Il y a un usage en Franc-maçonnerie. Les apprentis sont tenus de faire le service pendant les agapes ». Autrement dit, mettre la table, débarrasser les assiettes et faire la vaisselle. Soit. Sorte d’approche rituélique du bizutage !

Dans la journée je reçois un coup de fil de Mél. : (la femme de mon couple d’amis punks Francs-maçons) : « Il y a un problème. On voulait te faire la surprise. On s’est organisé pour venir (ils vivent à 100 km de là, ndlr) et on fait garder les enfants. Mais je viens de lire sur le site de ton atelier que les femmes ne sont pas admises en loge ! »   

Panique. J’appelle le vénérable et il me répond :

« L’information n’est pas à jour, cela fait deux ans que les femmes sont admises en visite ».

Je commence à me dire que la question de la Femme a dû être un sujet de débat virulent dans ma loge. Je rappelle Mél. : . Finalement, le problème est résolu, ils pourront donc venir. Dommage pour la surprise.

Le soir, après le boulot, je me pointe à l’heure indiquée, sans arriver en avance pour ne pas croiser les futurs frères de la loge, prescription impérative. Nous arrivons en même temps avec mon jumeau. Le grand expert avec sa gueule de beau manouche en costard nous accueille. Il nous fait monter l’un après l’autre dans le temple une nouvelle fois, les yeux bandés. Les questions sont courtes et je confirme mon souhait d’être initié. On redescend en salle humide.

Le grand expert nous invite à passer dans un endroit particulier : un cabinet de réflexion. Sorte de cave sombre, à peine éclairée, avec un décorum particulier qui évoque la mort. Je ne fais pas trop gaffe au compteur linky et demeure quelques instants à contempler les différents symboles présents. Puis je médite un instant sur les maximes suivantes inscrites sur un parchemin photocopié :

1.       Si tu n’es conduit ici que par la curiosité, va-t’en.

2.       Si tu crains d’être éclairé sur tes défauts, tu seras mal parmi nous.

3.       Si tu es capable de dissimulation, tremble, on te pénétrera.

4.       Si tu tiens aux distinctions humaines, sors nous n’en connaissons pas.

5.       Si ton âme a senti l’effroi, ne vas pas plus loin. »

 Je sors de ma torpeur et me lance dans la rédaction de mon testament, enfin quelques réponses simples et courtes à des questions assez générales sur la patrie, la famille, la République... Je me rends compte que je n’ai plus fait de rédaction manuscrite depuis des lustres.

Une fois achevé mon œuvre testamentaire assez médiocre, je me replonge dans le silence du lieu. J’attends quelques minutes et le grand expert vient me chercher. Il prend ma prose et nous demande de mettre nous défaire de tous nos objets métalliques. Il nous fait patienter avec mon jumeau pendant de longues minutes et vient nous chercher tous deux. Cette fois-ci ça va vraiment commencer.

Les yeux bandés et donc plongés dans le noir pendant près d’une heure, nous avons réalisé plusieurs voyages, subi des épreuves initiatiques qui, bien que dénués de quelconque danger physique, m’ont profondément bousculé. Un maelström de sensations et d’informations olfactives, gustatives, sonores, visuelles et tactiles. J’y découvre notamment, à mon plus étonnement, que la musique occupe une place centrale dans le rituel et cela me réjouit en tant que musicien… et puis finalement apparaît la lumière aveuglante qui donne tout son sens  à l’obscurité dans laquelle j’étais plongé préalablement. Sorte de transposition du mythe de la caverne platonicienne où le profane sort de l’obscurité pour accéder à la lumière de la pleine science et de l’entière raison mais a les yeux encore trop fragiles pour la regarder en face … Un moment tout à fait particulier du rituel est l’épreuve dite du miroir. On doit prononcer : « Candyman » trois fois devant la glace… Humour.

Néanmoins je découvre que celui qui tient le miroir en face de moi n’est ni plus ni moins que mon camarade papy-maçon-qui-sucre-gentiment-les-fraises… Quelle surprise ! Je comprends qu’en fait il m’a parrainé derrière mon dos.  Je découvre surtout la présence de mon couple d’amis dans l’assemblée. Cela me touche terriblement.

Je suis donc passé des ténèbres à la lumière, mais je suis encore très loin de pouvoir la regarder en face. Et pour cause le chemin vers la pleine lumière, incarnée par le soleil, ne fait que commencer.

On me remet le nécessaire de survie maçonnique : une paire de gants blancs et un tablier blanc. Le grand expert nous apprend ensuite en quelques secondes quelques gestes de base du rituel, histoire de pouvoir finir correctement la tenue. Enfin,  le vénérable nous invite, moi et mon jumeau  à nous asseoir sur la colonne du Nord sous la protection d’une représentation de la lune en plexiglass. L’apprenti maçon que je suis va dès lors débuter une nouvelle épreuve terrible : le silence, torture qui dans mon cas a duré plus de deux ans. Deux ans sans parler. En effet. 

Après notre initiation, la tenue se poursuit. Une planche est lue par un frère (sur la lune précisément). S’ensuit un débat. Je suis peu attentif, encore ému par la cérémonie que je viens de vivre. J’observe mes amis punks francs-maçons en face de moi, avec leur écharpe et leur tablier qui a franchement plus de classe que le mien. Ils sont au grade de maîtres mais détonnent  un peu avec leur attitude anti-conformiste qui tranche avec l’univers assez feutré du lieu. A un moment ils prennent la parole, récitent les mots de courtoisie habituelle que se doivent de prononcer les maçons visiteurs et se fendent d’un petit commentaire adorable sur ma personne. Je suis touché. Je comprends que c’était très important pour eux d’être présents ce soir-là en ces lieux.

Je regarde le temple. Le décorum est chargé, c’est le moins qu’on puisse dire. Mais je trouve l’endroit fascinant, magnifique par certains aspects, bien qu’un peu kitsch et très daté années 1990. Au-dessus de ma tête, une voûte étoilée monumentale, d'un bleu profond parsemé d'étoiles lumineuses, recouvre le plafond. Impressionnant.

Le rituel nous amène à former une chaîne d’union, puis quelques dernières formalités rituéliques et le vénérable nous invite enfin à clôturer les travaux par une batterie au son d’un « Liberté-Egalité-Fraternité » prononcé en chœur qui me fait tressaillir.

 Les frères viennent me souhaiter la bienvenue et m’embrassent. Trois fois. Mél. : vient me voir et me dit :

« Tu verras, on se fait beaucoup de bisous dans la Franc-maçonnerie ! ». Je suis ému aux larmes de la voir en ce lieu et d’avoir fait autant de kilomètres pour assister à ce moment.

Nous descendons en salle humide et démarrent les agapes. Un moment de commensalité essentiel en Franc-maçonnerie. Et si c’était cela le secret maçonnique. Se déguiser, suivre un rituel bizarre, faire des exposés et débattre du sexe des anges pour mieux nous retrouver, en réalité, autour d’un repas bien arrosé.

A suivre

*

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Annexe

Coupons court à quelques interrogations légitimes que pourrait se poser le lecteur à ce stade de mon récit. Qu’en est-il du secret maçonnique, sujet de tous les fantasmes et de toutes les spéculations ?

Il existe un secret maçonnique il est vrai. Je n’ai pas le droit, en théorie de dévoiler qui est Franc-maçon et je ne suis pas censé révéler le rituel maçonnique. Cela fait partie du serment que j’ai prêté en me faisant initier. Et « je préférerais avoir la gorge tranchée  plutôt que de manquer à mon serment » ai-je un jour lu et appris et récité … En réalité, ce secret maçonnique fait surtout partie du folklore et se justifie par les décennies de persécution dont les Francs-maçons ont fait l’objet depuis le XVIIIème siècle. Il faut dire que la Franc-maçonnerie a pour caractéristique originelle de promouvoir les principes issus de la philosophie des lumières : la rationalité, la philosophie, la science, l’humanisme et, du moins dans les loges adogmatiques, l’absolue liberté de conscience… Autant de principes qui se heurtaient frontalement (et se heurtent toujours dans une moindre mesure) aux dogmes de l’Eglise, en particulier catholique, qui maintenait la population dans la gangue de l’obscurantisme religieux, en qualité d’institution alliée au pouvoir politique de droit divin, autrement dit la monarchie d’ancien Régime. 

Au lendemain de la Révolution française, le pouvoir ecclésiastique avait une revanche à prendre et s’est mise à condamner la Franc-maçonnerie en tant que responsable des « troubles » moraux liés à la Révolution française. L’Eglise catholique ne pouvait accepter que l’on puisse croire en l’Homme avant de croire en Dieu et surtout que la France devienne une République, autrement dit un régime plaçant le peuple (et non plus Dieu) comme souverain politique de la Nation. Sainte horreur ! Et elle avait encore plus de mal à accepter que les individus puissent souhaiter émanciper leur conscience des schémas rigides de la vérité révélée qui maintenait la population sous sa coupe. Plus tard, les Francs-maçons furent une nouvelle fois pourchassés en France, sous le régime de Vichy qui ne pouvait accepter que des individus puissent remettre en cause les valeurs catholiques réactionnaires et antirépublicaines de la révolution nationale qu’incarnait le maréchal Pétain. « Liberté, égalité, fraternité », devise républicaine au cœur de l’engagement maçonnique était remplacé par « Travail, Famille, Patrie » profession de foi ultraréactionnaire d’un régime qui collaborait avec les nazis… En somme, les Francs-maçons furent pourchassés, déportés, tués et cela demeure une raison qui explique historiquement la discrétion qui caractérise l’Ordre maçonnique.

Aujourd’hui les choses ont beaucoup changé, mais il suffit de voir la haine qui se déverse sur les réseaux sociaux à propos du prétendu complot maçonnique pour comprendre la prudence qu’ont les Francs-maçons à se révéler comme tels. Cela dit, le secret maçonnique n’interdit nullement de se déclarer Franc-maçon. Mon article de blog n’est donc nullement transgressif (le fait de dévoiler quelques aspects du rituel, davantage). J’ai le droit d’afficher ma Franc-maçonnerie mais je ne suis pas censé dévoiler qui est Franc-maçon parmi les personnes que je côtoie, a fortiori si elles souhaitent rester discrètes à ce sujet. Quant à moi, j’assume assez aisément mon appartenance maçonnique, mais pas devant n’importe qui, pas en toute circonstance et sans en faire un motif de fierté. Et j’avoue parler assez aisément de mes expériences maçonnique avec mes proches intéressés par la question, quitte à dévoiler quelques secrets d’alcôve pour mieux leur enlever leur caractère ésotérique et fantasmagorique. Voilà tout.  

Avec un peu de recul, le secret autour du rituel me semble surtout lié au principe-même de la démarche initiatique que propose la Franc-maçonnerie. En effet, le rituel et ses subtilités se dévoilent de manière progressive aux Francs-maçons au cours de leur vie maçonnique. Le rituel, c’est un cadre, une manière de travailler, des usages qui participent à la magie du moment maçonnique permettant de passer du profane au sacré. Dit autrement, c’est une manière de mettre entre parenthèses ses tracas professionnels et matériels de la vie de tous les jours pour entrer dans une autre temporalité, et profiter pleinement de la « tenue » (nom donné à la réunion maçonnique) pour accéder, l’espace de quelques heures, à une dimension plus spirituelle de son être.

Pour ce qui est du rite maçonnique, le secret prend franchement les allures de secret de polichinelle. Il suffit de taper rite maçonnique sur google et de faire quelques recherches pour trouver toutes les informations détaillées par le menu à ce sujet. A ces sujets en réalité. En effet, il existe une multitude de rites qui différent selon les loges, les obédiences ou les pays.

Le rite maçonnique

Pour ce qui me concerne je travaille au rite français,  rite relativement épuré, sans trop de chichis… enfin, tout est question de comparaison !

En effet, il existe une multitude de rites plus ou moins sophistiqués. Les plus courants en France sont le rite français et le rite dit écossais (en réalité il y en a plusieurs), mais il existe aussi des rites plus confidentiels (rite égyptien par exemple), d’autres que l’on pratique essentiellement dans certains pays comme aux Etats-Unis  ou en Grande-Bretagne. Quelles sont les différences ? La base est la même mais de nombreux détails diffèrent, essentiellement des gestuelles, des mots, des phrases, des symboles du temple, les emplacements de certains officiers…  

Un aspect du rituel occupe une place fondamentale sur lequel je souhaiterais dire quelques mots,  c’est ce que l’on appelle la triangulation de la parole : un Franc-maçon ne s’adresse jamais directement à un autre Franc-maçon. S’il souhaite s’exprimer, il demande la parole à son surveillant de colonne, un officier de la loge, qui informe le « vénérable » (c’est-à-dire le président) du souhait de prise de parole d’un des frères. Le vénérable demande alors au surveillant de donner la parole au frère qui en a fait la demande et le surveillant invite finalement le frère à s’exprimer. Cette technique de transmission de la parole, d’apparence austère et contraignante a une vertu cardinale. La parole est intermédiée et l’on évite ainsi de se couper la parole, ou pire de s’invectiver comme cela est malheureusement par trop fréquent dans la vie de tous les jours. Le frère qui souhaite s’exprimer peut ainsi s’exprimer pleinement sans risque d’être coupé (sauf éventuellement par le Vénérable) et conclut son allocution par la phrase : « j’ai dit ».

Le rituel maçonnique suppose en outre des cérémonies particulières au moment de l’initiation et des changements de grade, impliquant des « voyages » et « épreuves » symboliques qui perdraient de leur charme s’ils se réalisaient sans un minimum d’effet de surprise.

Le travail en loge

L’ensemble des frères de la loge y compris les apprentis sont amenés à préparer des « planches », autrement dit des exposés oraux sur un sujet travaillé préalablement. Ces exposés sont l’occasion d’un travail de recherche et  donne lieu à une expression libre et, si possible, originale mais qui doit rester connectée à la démarche maçonnique. A la suite de l’exposé, s’ensuit un débat entre les frères de la loge et plus il est nourri plus la satisfaction est grande. C’est d’ailleurs cela le cœur du travail maçonnique en loge : travailler sur un sujet, faire un travail de recherche et présenter sa planche afin de nourrir un débat entre les frères. Rien de plus, rien de moins ! Ce sont les planches, les réflexions, les débats nourris et l’immense satisfaction d’avoir appris et découvert des choses qui constituent le véritable « salaire » du Franc-maçon. Et cela participe de son élévation spirituelle et intellectuelle.

Au Grand Orient de France (GODF), obédience à laquelle j’appartiens, les sujets de planche portent à la fois sur des aspects du rituel, des symboles mais également sur des sujets philosophiques, politiques et sociaux. Le GODF s’inscrit dans une longue tradition laïque et les questions de laïcité occupent une place assez centrale, au même titre que les enjeux bioéthiques (PMA, GPA, fin de vie…) et en définitive l’ensemble des questions sociales et sociétales qui nous entourent. Ce n’est toutefois pas le cas de toutes les obédiences maçonniques.

La Franc-maçonnerie est truffée de symbolisme : des symboles à foison sur lesquels les frères de l’atelier doivent « travailler », autrement dit réfléchir, écrire, exposer leur point de vue et débattre… Entrer pour la première fois dans un temple maçonnique fait toujours une drôle d’impression au profane qui y découvre un décorum extrêmement chargé et, avouons-le, un peu kitsch : un delta lumineux (le fameux triangle avec un œil dedans), des colonnes du temple, un fil à plomb, une équerre, un compas, deux pierres, l’une brute et l’autre taillée, une voûte étoilée, le soleil, la lune, des grenades (le fruit), des pavés mosaïque noir et blanc, des épées et des glaives et j’en passe !    

Pour être tout à fait franc, le symbolisme m’emmerde un peu mais c’est un passage obligé de la Franc-maçonnerie, y compris au sein du GODF. Cela dit j’avoue que je m’y suis fait avec le temps et que j’ai fini par y voir l’intérêt de la chose. Mais je n’aurais jamais eu envie d’intégrer une loge dont le travail consisterait uniquement à se masturber le cortex frontal sur le sens profond des dizaines de symboles visibles ou invisibles qui parsèment le temple. Et encore moins de prêter allégeance au Grand Architecte de l’Univers (ou GADLU), autrement dit le nom donné à Dieu en Franc-maçonnerie, un Dieu certes un peu moins cucul que le grand barbu sur son nuage dans le ciel, mais Dieu quand même. Il y a des obédiences de la Franc-maçonnerie où la référence au GADLU demeure obligatoire.

 Mais le travail du Franc-maçon ne se résume pas à la rédaction et présentation de planches. D’autres travaux l’animent : réunions de travail aux différents grades où l’on approfondit l’apprentissage du rituel, participation aux travaux sur des questions posées à l’ensemble des loges (portant sur des aspects sociaux et sociétaux), notamment. La loge (ou l’atelier qui est un synonyme) a également sa vie associative propre : élection du vénérable et se son collège d’officiers, organisation de la vie de l’atelier en collège d’officiers, organisation des cérémonies pour les admissions aux différents grades.

Mais le principal travail du Franc-maçon repose sur lui-même. Il s’agit de tailler sa pierre, se perfectionner intellectuellement, moralement et spirituellement, pour mieux poursuivre l’œuvre maçonnique hors du temple, c’est-à-dire dans la vie de tous les jours.

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